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Expérimentation du paiement en équipe de professionnels de ville, la fin du paiement à l’acte ?

Le 9/12/2022

Expérimentation du paiement en équipe de professionnels de ville, la fin du paiement à l’acte ?

Par arrêté du 10 novembre 2022 , le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de la santé et de la prévention, ont modifié le cahier des charges de l'expérimentation nationale d'un paiement en équipe de professionnels de santé en ville.

Se regrouper entre professionnels de santé pour partager des locaux adaptés, un secrétariat, pour travailler de façon plus coordonnée, pour mieux prendre en charge les soins non programmés représente sans doute une solution d’avenir pour rendre l’exercice libéral attractif et performant. C’est d’ailleurs sur la base de ce constat partagé que les gouvernements successifs ont fortement encouragé la création de Maisons de Santé pluriprofessionnelles (MSP), au détriment d’autres formes de regroupements pluridisciplinaires.

Pour encourager ces regroupements en MSP, les mêmes décideurs en santé ont créé une forme juridique dédiée, la Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA) permettant, outre de mutualiser les dettes éventuelles, de percevoir des rémunérations collectives. Percevoir collectivement entre 20 000€ et 54 250€ annuels pour se doter d’un système informatique, se coordonner et étendre ses plages horaires est une chose, accepter d’abandonner le paiement à l’acte de ses soins au profit d’une rémunération forfaitaire collective en est une autre !

La récente publication du cahier des charges de cette expérimentation de paiement en équipe constitue pour le SAIIL la confirmation d’une volonté constante, quelles que soient les alternances politiques, d’abandon progressif du paiement à l’acte au profit de financements collectifs peu compatibles avec l’exercice libéral des auxiliaires médicaux.

Le SAIIL, soucieux de préserver l’indépendance professionnelle et l’autonomie financière des IDEL, invite fortement ces derniers à réfléchir à deux fois avant de « lâcher la proie pour l’ombre ». Pour inviter à la prudence les plus audacieux, nous vous proposons un décryptage des enjeux et de la finalité de cette expérimentation.

Objet, finalité et enjeu du projet d'expérimentation

Selon les ministères, l'objectif stratégique global du paiement forfaitaire en équipe de professionnels de santé en ville (PEPS) est « d'améliorer le service rendu aux patients par une meilleure qualité des soins et de renforcer l'efficience des dépenses de santé par une meilleure utilisation des ressources disponibles. La mise en place d'un forfait vise à encourager le décloisonnement entre professionnels de santé et l'amélioration de la qualité et de la pertinence des soins prodigués, en plaçant le patient et son parcours de santé au cœur de la prise en charge de l'équipe traitante ». Cette expérimentation s'inscrit dans une logique de structuration de l'offre de soins ambulatoires de premier recours et d'accompagnement des modes d'exercice regroupés ou coordonnés. Concrètement il s’agit de mettre en œuvre un paiement collectif forfaitaire, substitutif à l'acte, pour une équipe de professionnels de santé pluriprofessionnelle pour la prise en charge et le suivi en ville de tout ou partie de la patientèle « médecin traitant » de l'équipe. Ce paiement collectif forfaitaire, appelé « rémunération PEPS », est versé à une structure juridique pour l'équipe volontaire, en substitution du paiement à l'acte des soins concernés par le champ de l'expérimentation.

Sont éligibles à l'expérimentation PEPS :

Toute équipe de professionnels de santé pluriprofessionnelle, avec la présence d'au moins 5 professionnels de santé conventionnés, dont :

Au moins 3 médecins généralistes volontaires pour remplacer le paiement à l'acte par une rémunération forfaitaire ;

Au moins 1 infirmier volontaire pour remplacer le paiement à l'acte par une rémunération forfaitaire (ce dernier critère n'est pas requis si la structure intègre un infirmier ASALEE salarié ne cotant pas d’actes) ; 

L’équipe pluriprofessionnelle doit exercer au sein d'une structure, dont le statut juridique permet un versement forfaitaire : MSP constituée en Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA) ou centre de santé, dont la patientèle « médecin traitant » comprend au minimum 250 patients concernés par le forfait.

Si une équipe volontaire exerçant en centre de santé participe à l'expérimentation, l'ensemble des médecins généralistes et infirmiers exerçant au sein de ce ou ces centres de santé est de fait volontaire pour remplacer le paiement à l'acte par une rémunération forfaitaire.

Un financement collectif substitutif à la rémunération à l'acte :

Le paiement en équipe de professionnels de santé est un nouveau mode de financement fondé sur le versement d'un forfait, qui correspond à une rémunération ajustée aux différentes typologies de patients. Un forfait est versé pour des équipes pluriprofessionnelles de ville volontaires, qui se substitue au paiement à l'acte sur un périmètre de patients et d'activité défini, mais qui peuvent aussi concerner sur mention expresse toute la population. Le forfait est calculé en fonction du nombre de patients " médecin traitant " concernés, qu'ils soient consommant ou non consommant. Pour chaque profil de patient, un montant forfaitaire est calculé sur la base des dépenses constatées au niveau national. La " rémunération PEPS " versée à chaque équipe participante correspond à la somme des forfaits de sa patientèle PEPS.

Répartition du financement entre les membres de l’équipe pluriprofessionnelle :

Le cahier des charges précise que « Les équipes sont libres dans la répartition et l'utilisation de la rémunération PEPS. Elles peuvent décider collégialement de l'utilisation la plus pertinente possible de la " rémunération PEPS " qui leur est allouée pour la patientèle prise en charge. ». Curieusement le gouvernement ne semble pas avoir parfaitement intégré le fait que ce financement substitutif à l’acte doit en premier lieu permettre aux professionnels d’être rémunérés pour les actes et le service rendu. En effet, comment faut-il interpréter cette recommandation du cahier des charges ? « cette rémunération peut aussi être utilisée, par exemple, pour proposer de nouvelles prestations, qu'elles soient réalisées par les membres de l'équipe ou même par d'autres professionnels de santé ou non. Les structures sont ainsi encouragées à investir, grâce à cette rémunération, sur les déterminants de santé qu'elles considèrent être les plus pertinents pour leurs patients. L'expérimentation sera ainsi l'occasion de permettre le partage de bonnes pratiques entre pairs ».

Trois profils de patientèles sont concernés par cette expérimentation

Dans le cadre du projet PEPS, trois types de paiements forfaitaires sont expérimentés, en fonction des profils de la patientèle considérée. Ce paiement concerne la prise en charge globale des patients, c'est-à-dire quel que soit le motif du recours aux soins.

Les trois patientèles PEPS des médecins généralistes de l'équipe volontaire pour participer à l'expérimentation PEPS sont les suivantes :

- Patientèle diabétique : rémunération forfaitaire sur le suivi de l'ensemble des patients " médecin traitant " ayant l'ALD n° 8 (diabètes de type 1 et de type 2) ;

- Patientèle âgée : rémunération forfaitaire sur le suivi des patients " médecin traitant " âgés de 65 ans et plus, ainsi que des patients âgés de 50 ans à 64 ans et ayant une ALD au titre d'une des maladies neurodégénératives suivantes : maladie d'Alzheimer (ALD n° 15), maladie de Parkinson (ALD n° 16) et sclérose en plaque (ALD n° 25)

- Patientèle totale : il s'agit d'une approche globale, rémunérant une équipe pour le suivi de l'ensemble de ces patients " médecin traitant ".

Pour ces trois populations, la patientèle " médecin traitant " concerne la patientèle repérée à partir des données de déclaration d'un médecin traitant (hors patients résidant en EHPAD), uniquement pour les médecins généralistes de la structure qui sont volontaires pour substituer le paiement à l'acte par un paiement forfaitaire.

Est-il besoin d’en rajouter pour illustrer le fait que cette expérimentation constitue une étape supplémentaire vers l’intégration des infirmiers libéraux dans un modèle organisationnel et économique qui, s’il venait à se développer, signerait la fin de l’exercice libéral ?

Pour le SAIIL, tous les éléments sont réunis pour le démontrer. A commencer par la disparition pure et simple de la notion de patientèle propre à l’infirmier qui constitue pourtant une composante essentielle de la définition de l’exercice libéral des professions de santé. Il en est de même du principe de libre choix des patients de leur infirmier, puisque que la loi autorise par exception le compérage dans les MSP. Pas à pas, les gouvernements successifs poursuivent depuis la loi HPST une stratégie visant à faire basculer progressivement le modèle libéral français des soins de ville vers le mode de financement populationnel en vigueur dans la plupart des pays anglo-saxons.

Caroline Dewas, présidente

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