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Le 18 octobre dernier, l’Agence Nationale du Développement Professionnel Continu (ANDPC) alertait sur une « introduction frauduleuse » dans son système d’information. Elle précisait que des remplaçants, ont pu bénéficier d’une prise en charge d’actions de formation alors qu’ils n’étaient pas éligibles, considérant qu’ils ne sont pas conventionnés.
Michèle Lenoir-Salfati, directrice générale de l’agence répond aux questions du SAIIL. Propos recueillis par Aurélien Larisot.
AL : Les remplaçants sont des libéraux, ils assument toutes les contraintes inhérentes à ce statut (cotisations à l’URSSAF, Carpimko…). La convention des infirmiers prévoit que « L’infirmière remplaçante prend la situation conventionnelle de l’infirmière qu’elle remplace ». Les remplaçants sont donc soumis aux mêmes conditions d’installation et d’exercice que les infirmiers signataires. Qu’est-ce qui justifie le retro pédalage de l’ANDPC au motif que, stricto sensu, les remplaçants ne signent pas la convention ?
Michèle Lenoir-Salfati : En fait votre question apporte la réponse : l’Agence n’a à financer que ceux qui, comme vous le dites, signent stricto sensu la convention. Si le DPC constitue une obligation pour tous les professionnels de santé, le Code de la Santé Publique dispose que l’Agence Nationale du DPC, pilote du dispositif global, n’assure le financement que des professionnels de santé conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés (article R 4021-22 du CSP).
Jusqu’à présent, les professionnels de santé créaient un compte de DPC sur la base d’informations déclaratives afin de s’inscrire à des actions de DPC. Depuis le 1er juillet 2021, les professionnels de santé doivent obligatoirement en créer un nouveau. Ce nouveau compte permet d’alimenter leur document de traçabilité (DDT) de toutes les actions suivies au fil des ans et de justifier auprès de l’Ordre ou de l’ARS du respect de leur obligation de DPC à l’issue de chaque période triennale. Il leur permet aussi de s’inscrire s’ils relèvent du périmètre de notre financement à des actions de DPC prises en charge.
Ce nouveau compte ne se base plus sur des informations déclaratives comme précédemment mais est prérempli après saisie du n° RPPS ou ADELI avec les données de l’Agence du Numérique en Santé (ANS) qui centralise les informations transmises par les Ordres ou les ARS.
S’agissant des remplaçants, nous avons donc constaté qu’aucun lieu ni mode d’exercice ne remontait. Et nous avons d’abord pensé à un bug et puis en lisant les différentes conventions, nous avons fini par comprendre : les remplaçants n’étant pas installés, il est normal que ne remonte aucun lieu d’exercice et de ce fait aucun mode. N’étant pas installés, ils ne peuvent pas être conventionnés, leur exercice se faisant dans le cadre d’un contrat de droit privé avec le remplacé, même si l’assurance maladie prend en charge la maladie et la retraite.
Ne sont conventionnés que les professionnels exerçant à titre libéral, inscrits à l’ordre, installés et disposant d’un cabinet professionnel. Les remplaçants ne relèvent pas de ce fait de notre financement.
AL : N’est-il pas étonnant au regard des exigences de qualité des soins dispensés aux patients et dans la perspective du processus de recertification que les remplaçants soient dédouanés d’obligation de formation continue ? Doit-on considérer que les soins assurés par les remplaçants pourraient être de moindre qualité ?
Michèle Lenoir-Salfati : Mais les remplaçants ne sont aucunement dédouanés de l’obligation de DPC ! Ils y sont soumis à l’instar de tous les professionnels de santé. Il n’appartient juste pas à l’Agence de participer au financement de leur obligation.
Il y a une confusion entre obligation et financement par l’Agence. Tous les salariés sont soumis à l’obligation de DPC comme les libéraux sans que l’Agence intervienne dans leur financement.
Sont-ils privés de financement pour autant ? Pas du tout : les remplaçants cotisant à l’URSAFF pour la formation continue, leur DPC peut être pris en charge, et l’est dans les faits par le FIF-PL.
AL : Selon le site AMELI « les IDE exerçant à titre principal en tant que remplaçants doivent fournir les pièces justificatives de leur activité afin de bénéficier du régime d’assurance maladie des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés ». L’Assurance Maladie leur reconnait bien des droits identiques aux titulaires au regard du respect des engagements conventionnels. Qu’est-ce qui dans ce cas légitime une rupture d’égalité en matière de financement des obligations triennales du DPC ?
Michèle Lenoir-Salfati : D’un point de vue juridique encore une fois, la réponse est très claire : les remplaçants non installés ne sont pas conventionnés ; ce sont des libéraux qui touchent leur rémunération au travers de contrats de droit privé avec le professionnel installé qu’il remplace. Dans la pratique, ils bénéficient en effet de certains avantages de la convention comme la prise en charge des cotisations maladie et retraite par l’assurance maladie ; par contre ils ne bénéficient pas, par exemple, des rémunérations forfaitaires que l’on considère directement liées à l’installation
Il n’y a donc aucune rupture d’égalité en matière de financement. A cet égard, vous ne saurez ignorer que le principe d’égalité s’entend de traiter les personnes dans la même situation de manière identique ce qui permet en retour que des situations différentes fassent l’objet d’un traitement différent ce qui est le cas en l’espèce.
AL : Au-delà des contraintes règlementaires qui s’imposent à vous, cette situation vous parait-elle juste et dans le cas contraire, quelles mesures faudrait-il prendre pour rétablir une plus grande équité ?
Michèle Lenoir-Salfati : Comme je vous le disais tout à l’heure, je ne considère pas que traiter différemment des situations différentes soit inéquitable. L’équité n’est pas la stricte égalité et à l’évidence, les remplaçants n’assument pas des contraintes identiques à celles des professionnels installés (charges de cabinet par exemple).
A noter également que le financement par l’Agence comporte, en sus de la prise en charge des frais pédagogiques, une indemnisation pour perte de revenus. Les remplaçants se formant en dehors de leur temps de travail, il serait par exemple illogique et inéquitable qu’ils en bénéficient.
Commentaire du SAIIL
Le positionnement de l’ANDPC sur le sujet a le mérite d’être clairement assumé. Pour autant, il n’est pas de nature à répondre aux attentes des infirmiers remplaçants, qui pour la plupart seront les infirmiers libéraux de demain. La solution ne devraient-t-elle pas venir des partenaires conventionnels ? La convention de 2007 précise en effet que « Les caisses s’engagent à identifier les infirmières remplaçantes dans les meilleurs délais dès lors qu’elles seront en possession d’un numéro à l’ordre des infirmiers. La question de l’identification des remplaçantes sera traitée dans le cadre d’un groupe de simplification administrative ». Or on constate que cette disposition reste à ce jour un vœu pieux. Le temps ne serait-il pas venu d’amender cette convention pour proposer aux remplaçants d’en être signataires, en dehors peut-être des remplacements occasionnels ?
Caroline Dewas, Présidente